ADOPTION PAR LE SENAT DU PROJET DE LOI INTERDISANT LE BISPHENOL A

PPL « Bisphénol A »

Deuxième lecture au Sénat

DG du Groupe Écologiste

Aline Archimbaud 

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Madame la Ministre,

Madame la Rapporteur,

Madame la Présidente de commission,

Mes chers collègues,


La dangerosité du bisphénol A n’est plus aujourd’hui une simple hypothèse. Le travail méticuleux entrepris par le Réseau Environnement Santé recense plus de 700 études sur le sujet, dont plus de 95% sont concordantes et concluent à un effet délétère de ce perturbateur endocrinien sur nos organismes.

Nous savons que le bisphénol A est un perturbateur endocrinien, qu’il est cancérigène et qu’il est neurotoxique.

Qu’il altère la croissance.

Qu’il entraîne un avancement de la maturation sexuelle secondaire et des changements comportementaux.

Qu’il altère le système nerveux et peut causer un déclin cognitif, la dépression et la schizophrénie.

Qu’il prédispose à l’obésité.

Qu’il a des effets profonds sur le métabolisme du glucose, pouvant favoriser le développement de diabète de type 2 – y compris par des expositions à faibles doses.

Qu’il augmente le risque de cancer – de la prostate et du sein surtout.

Qu’il entraîne des lésions de l’ADN du sperme et affecte donc la fertilité.

Et surtout, que ces effets sont héréditaires et trans-générationnels, même à des niveaux d’exposition très faibles, comparables aux concentrations de BPA retrouvées dans la plus grande part de la population humaine occidentale.

Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste se félicite d’une part de la proposition de loi déposée en juin 2011 par Gérard Bapt, et d’autre part du travail parlementaire constructif auquel elle a donné lieu depuis.

Le texte qui nous arrive aujourd’hui de l’Assemblée Nationale est certes en retrait sur la question des dispositifs médicaux et des emballages concernés par l’interdiction du bisphénol – puisque les seuls emballages en contact direct avec les denrées alimentaires sont à présent visés.

Mais il faut le reconnaître, il comporte également des avancées notable et enthousiasmantes :

  • Tout d’abord, les députés ont voté le retour à la date du 1er janvier 2015 pour la suspension de la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de tout conditionnement, contenant ou ustensile contenant du bisphénol A.

    C’est la date que nous avions été amenés à arrêter, mes chers collègues, en commission lors de notre première lecture au Sénat. Et j’avais déjà eu l’occasion de le rappeler de cette même tribune : cette décision avait été « extrêmement coûteuse pour nous écologistes », et il me semblait qu’elle prenait déjà « largement en compte les difficultés du tissus industriel à s’adapter au changement de norme », précisant qu’il s’agissait du «  maximum acceptable pour nous, et qu’il est hors de question que nous ne cédions un jour de plus ». En cela, cette nouvelle version du texte nous réjouis donc vraiment.

  • Ensuite, nos collègues de l’Assemblée Nationale ont introduit une demande de rapport du Gouvernement avant le 1er juillet 2014 sur les substituts possibles au bisphénol A pour ses applications industrielles au regard de leur éventuelle toxicité. Cela nous semble un bon compromis, propice à rassurer ceux d’entre nous qui avaient exprimé leur inquiétude ici même lors des débats en première lecture.

    J’attends pour ma part sereinement ce rapport, puisque je sais que de nombreuses alternatives fiables et existent au BPA dans le plastique polycarbonate (PC), et notamment, selon les applications, le verre et l’acier inoxydable le copolyester Tritan, le polypropylène et les Grilamid TR, les oléorésines les résines reformulées, les films en PET, les plastiques de haute performance conçus par Novomer Inc. Comme Polypropylene Carbonate ou PPC et le Polyéthylène Carbonate ou PEC, ou encore les briques cartonnées Tetra Pak.

  • Troisième avancée, une modification de l’article 2 introduit une interdiction sans délais des collerettes de tétines et de sucettes, ainsi que des anneaux de dentition comportant du BPA. Et l’article 3 une interdiction des biberons comportant du bisphénol A et utilisés au titre de dispositifs médicaux. Là encore nous ne pouvons que nous en réjouir.

Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste souhaite et votera en faveur d’une adoption conforme du texte résultant des travaux de l’Assemblée Nationale, solution que la commission des Affaires Sociales a d’ailleurs voté hier soir à l’unanimité des présents.

Certes, il est frustrant de renoncer à apporter des précisions supplémentaires à la proposition de loi, y compris sur la question des dispositifs médicaux, et je pense ici à l’amendement de Chantal Jouanno que nous même avions participé à faire adopter en novembre.

Mais ce qui doit primer aujourd’hui, c’est notre volonté d’éviter la convocation d’une Commission Mixte Paritaire qui repousserait l’entrée en vigueur du texte, et notamment des dispositions concernant les nourrissons et les enfants en bas-âge, prévue pour intervenir « à compter du premier jour du mois suivant la promulgation de la loi ».

Ceci ne nous empêche pas de continuer à nous battre par ailleurs sur d’autres points. Et notamment sur les perturbateurs endocriniens en général.

Vous avez sûrement entendu parler de cette étude publiée mercredi 5 décembre dans la revue Human Reproduction suite aux travaux conduits par l’épidémiologiste Matthieu Rolland de l’Institut de veille sanitaire (InVS). Elle montre que la concentration du sperme des Français en spermatozoïdes a chuté d’environ 32 % entre 1989 et 2005, et que cela peut être « lié à des facteurs environnementaux, dont les perturbateurs endocriniens ».

Le débat sur la dangerosité des perturbateurs endocriniens, dont le bisphénol A n’est qu’un exemple, doit donc se poursuivre. Et la demande de rapport introduite par l’article 4 en première lecture à l’initiative de notre groupe écologiste au Sénat y participe, puisqu’il dispose que « le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif aux perturbateurs endocriniens. Ce rapport précise les conséquences sanitaires et environnementales de la présence croissante de perturbateurs endocriniens dans l’alimentation, dans l’environnement direct, dans les dispositifs médicaux et dans l’organisme humain. Il étudie, en particulier, l’opportunité d’interdire l’usage du di (2-éthylhexyl) phtalate, du dibutyl phtalate et du butyl benzyl phtalate dans l’ensemble des dispositifs médicaux au regard des matériaux de substitution disponibles et de leur innocuité. »

Merci, mes chers collègues, de permettre la poursuite de ce débat. En espérant qu’il sera aussi efficace que celui que nous avons eu sur le bisphénol.

Nous savons d’ores et déjà que cette proposition de loi ne suffira pas pour éliminer physiquement cette substance de notre environnent pour que ses effets sur les populations disparaissent. Et qu’il faudra aussi attendre. Et attendre suffisamment pour que passent plusieurs générations, pour venir à bout de ses effets délétères sur notre santé.

Ne perdons pas plus de temps sur les autres perturbateurs endocriniens !

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